angolaDepuis des années, un pogrom se joue en Angola. Il vise essentiellement les ressortissants d’Afrique de l’Ouest dans ce pays d’Afrique australe.

 

Malheureusement, la chasse à l’homme qui semblait avoir connu une accalmie a refait surface ces dernières semaines. Depuis, des Guinéens, Sénégalais, Mauritaniens, Maliens, Bissau-Guinéens et bien d’autres ressortissants d’Afrique sub-saharienne sont quotidiennement tractés, emprisonnés, torturés et parfois tués aux yeux du monde.

 

Ce sont des actes xénophobes basés sur l’origine qui se passent dans l’indifférence et le mutisme complice de l’Union Africaine, des organisations des droits de l’homme et des pays d’origine des victimes.

 

Le plus étonnant, c’est que la communauté internationale et les pays d’Afrique de l’Ouest cités plus haut feignent d’ignorer que l’Etat angolais s’est métamorphosé en véritable bourreau en ordonnant à ses forces de l’ordre de procéder à des rafles ciblées qui rappellent celles qu’ont subies certaines populations au cours du vingtième siècle.

 

Sans négliger le sort des autres compatriotes africains qui vivent le même enfer que les Guinéens d’Angola, je m’appesantirais sur ces derniers pour la simple raison que je suis mieux imprégné du cas guinéen.

 

Avant de mettre le doigt sur le pogrom en cours, je rafraîchirai la mémoire décidément très courte de l’Etat angolais et de ses dirigeants actuels. Je montrerai que leurs agissements relèvent soit d’amnésie historique, soit d’ingratitude étatique. Le tout sous l’impulsion d’un Etat et de ses dirigeants xénophobes.

 

L’Angola, un pays redevable à la Guinée

 

Je ne ferai pas un cours d’histoire sur la libération de cette ancienne colonie portugaise. Je rappellerais seulement que l’Angola qui maltraite aujourd’hui des Guinéens doit en grande partie son indépendance grâce à l’action panafricaniste de la Guinée.

 

Tout comme la Guinée-Bissau, le Mozambique, le Cap-Vert, São-Tomé et Principe, (se prononce Principé), l’Angola ne peut ignorer que sa lutte de la libération est indissociable du rôle diplomatique et militaire de la République de Guinée. Les dérives dictatoriales du Parti Démocratique de Guinée (PDG) ne doivent pas oblitérer le rôle historique du régime politique d’alors.

 

Dans les années 1970, des centaines de soldats guinéens ont lutté auprès d’Angolais, de cubains et autres soldats de pays du bloc de l’est appuyés par l’aide logistique de l’Union Soviétique. Beaucoup sont morts au front, victimes d’une guerre qui n’était finalement pas la leur si l’on voit le comportement des autorités angolaises actuelles.

 

L’Angola qui s’est libéré en 1975, en pleine guerre froide, est en quelque sorte un enfant dont la venue au monde serait difficilement possible sans l’assistance de la Guinée. Hélas, ce pays qui maltraite les filles et les fils d’un de ses géniteurs politiques se comporte en fils ingrat. Par conséquent, les Guinéens d’Angola sont face à un enfant dont leur pays a contribué à naître et qui, une fois qu’il a appris à marcher, leur donne non pas des coups de pieds mais des coups de matraques. Pire, des coups de fusils.

 

La Guinée, un arrière front et un allié idéologique de l’Angola dans les années 70.

 

Beaucoup de générations guinéennes ont fait leur formation militaire avec des Angolais, Bissau-Guinéens, sud-africains dans les camps affectés à cet effet. Notamment le camp N’Kwamé N’Krumah.

 

Ces générations se souviennent des chants patriotiques qu’ils chantaient à tue-tête (en portugais) en l’honneur des luttes de libération des colonies portugaises. Elles se souviennent des discours révolutionnaires, (souvent tonitruants ou propagandistes) du responsable suprême de la révolution appelant les Guinéens à se sacrifier pour le peuple angolais. Ce peuple dont les responsables politiques actuels matraquent les nôtres au moment où j’écris ces lignes.

 

Oui, en ce moment même, des Guinéens, femmes, enfants, jeunes, vieux, avec ou sans titres de séjour sont pourchassés, extirpés de leur domicile et mis dans les cachots d’un pays pour lequel la Guinée a tout fait pour qu’il puisse compter dans le concert des nations indépendantes.

 

Les gens de ma génération aussi se souviennent des émissions radiodiffusés qui disaient que des soldats guinéens sont tombés sur les fronts angolais de Cunene (Counéné) et ailleurs. Ils ont présent à l’esprit les appels au soutien au Mouvement populaire de Libération de l’Angola (MPLA) et à leurs leaders historiques Mario de Andrade et Agostinho Neto.

 

Il n’y a pas un seul président angolais qui n’ait bénéficié de l’appui politique de notre pays. Ce n’est sûrement pas José Dos Santos acteur de ce qui se passe actuellement dans son pays qui dirait le contraire.

 

Ma génération a également en mémoire les énormes, voire insensés, sacrifices dont a fait preuve l’Etat guinéen en 1974-1975. A cette date, le pouvoir guinéen, champion des luttes anticoloniales, affama ses propres populations pour alimenter les Angolais. Il détourna tout simplement les dons du Programme Alimentaire Mondial (PAM) en riz, maïs, farine, blé et autres denrées de première nécessité en faveur de ce peuple dont le pouvoir se montre on ne peut plus inhumain face à des compatriotes. Sûrement les autorités angolaises confondent les Africains d’aujourd’hui aux Portugais d’hier.

 

Ma génération peut témoigner qu’au retour d’Angola les soldats guinéens ont rapporté une épidémie de conjonctivite dénommée «Apollo». Cette maladie, le nombre de morts en moins, pourrait être comparée à Ebola tellement elle s’était propagée dans le pays.

 

Les Guinéens ont souffert pour l’Angola, un pays qui leur renvoie l’ascenseur de l’humiliation, de la torture et de la mort. Qui saurait l’expliquer? Aux autorités guinéennes de trouver les raisons et d’en apporter la solution.

 

Malheureusement, si l’on voit la polémique gouvernementale que soulève le sort des Guinéens d’Angola, on est en droit de se dire que la fin du calvaire n’est pas pour demain. Et pour cause? Voilà un pays où le ministre des affaires étrangères intime le ministre en charge des Guinéens de l’Etranger de tenir sa langue. Une manière polie de lui dire de la boucler.

 

Pourtant, c’est la première fois que Bantama Sow a voulu faire entendre sa différence. Il est légitime que le ministre s’exprime lorsque les Guinéens vivant hors du territoire national sont confrontés aux aléas de l’exil. Un autre a le droit d’en faire autant à travers les médias et au sein du conseil des ministres. Ce qui, pour le cas angolais, n’aurait pas été du goût de monsieur Fall.

 

Ce rappel à l’ordre n’est pas aussi étonnant que cela. En effet, on n’entend plus les ministres qui osaient afficher leur désaccord comme ceux des droits de l’homme et de la coopération internationale, par exemple. Pourtant Bantama Sow devrait être soutenu dans sa démarche car il joue son rôle.

 

De même, l’action du Groupe Organisé des Hommes d’Affaires (GOHA) dénonçant tour à tour le drame des Guinéens en Angola et le manque de réaction des autorités guinéennes mérite d’être appuyée.

 

En outre, tous les pays dont les ressortissants sont exposés ou victimes du pogrom angolais devraient impérativement rappeler leurs ambassadeurs et fermer toutes leurs représentations diplomatiques ou consulaires. En amont, ils devraient convoquer les ambassadeurs angolais accrédités dans leur pays pour obtenir des explications sur la violation des droits de leurs citoyens et le non- respect des accords internationaux en matière d’immigration.

 

S’ils n’obtenaient satisfaction, il leur revient le droit de renvoyer, tout au moins de manière temporaire, les diplomates angolais et mettre en veille toute coopération avec ce pays. En tout cas, ce ne sont pas des déclarations mielleuses qui mettront fin à la tragédie des Guinéens et autres Africains vivant en Angola.

 

Les organisations des droits de l’homme ne devraient pas non plus se borner à décompter le nombre d’arrestation ou de morts. Elles doivent diligenter des enquêtes internationales sur la violation des droits fondamentaux inscrits dans les articles 2,3,5,7,12 et 13 de la déclaration universelle des droits de l’homme.

 

L’union africaine et ses organismes spécialisés de coopération entre Etats membres doit appeler le pouvoir de Luanda à mettre immédiatement fin à ses actes inhumains et barbares qui violent les traités internationaux dont l’Angola est signataire.

 

Naturellement, aucun appel, aucune action d’une organisation ou institution ne peut avoir d’impact si les pays concernés ne prennent des décisions adéquates pour protéger leurs ressortissants.

 

Les sociétés civiles africaines devraient également appuyer les initiatives et obliger les pays à entamer des sanctions contre les autorités angolaises. Elles devraient convoquer au plutôt une réunion de crise au niveau des instances africaines.

 

Les partis politiques guinéens ne sauraient rester inertes face à ce qui se joue en Angola. Malheureusement, il n’est pas très permis de rêver pour le cas guinéen si l’on sait les partis d’opposition ont rarement obtenu la satisfaction de leurs propres revendications intérieures.

 

Enfin, la phobie de l’étranger (ironie de l’histoire, les africains sont étrangers dans leur propre continent) qui se joue tragiquement en Angola est inacceptable, incompréhensible et impardonnable. Comme telle, elle doit être stoppée et condamnée avec la dernière énergie.

 
Lamarana Petty DIALLO
lamaranapetty@yahoo.fr

 

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