Dans cet entretien exclusif à AlloConakry.com, M. Mohamed Diaré évoque les perspectives de l’économie mondiale, parle des difficultés du pays et les réalisations en cours pour sortir la Guinée du marasme économique.
AlloConakry: M. le ministre quelles sont les conclusions de vos travaux ici à Washington?
M. Mohamed Diaré: Comme vous le savez, chaque année les institutions de Bretton Woods organisent les assemblées générales au mois de septembre ou octobre. Cette année n’a pas failli à la règle. C’est dans ce cadre que nous étions venus pour voir ensemble, avec les 188 pays membres, comment l’économie mondiale se porte et quelles sont les perspectives en 2014.
Comment se porte l’économie mondiale et quelles sont les perspectives pour 2014?
La croissance économique mondiale reprend timidement surtout au niveau de la zone euro qui était beaucoup plus frappée par la crise de l’endettement.
Au niveau des Etats-Unis également on note une certaine croissance et les perspectives pour 2014 sont bonnes.
Par contre, on constate que la croissance à deux chiffres dans les pays émergents revient un peu à la baisse. S’il y a une reprise timide de la croissance au niveau des pays développés, on note toutefois un léger ralentissement au niveau des pays émergents, à savoir la Chine et le Brésil, notamment.
Comment l’Afrique en général et la Guinée en particulier se situent par rapport à cette situation?
Je crois qu’il y a deux choses qu’il faut relever:
Il y a d’abord l’économie au Sud du Sahara qui se porte très bien par rapport aux autres grandes économies parce que le taux de croissance moyen dépasse les 5 pour cent. La Guinée avait commencé une croissance normale après les années 2010. En 2012/2013 la croissance était autour de 4%. On avait projeté une croissance de 3 pour cent pour 2013, mais très malheureusement le pays a été frappé par des chocs:
Le premier, c’est le choc minier où on a vu un ralentissement du volume des investissements qui a impacté négativement sur la croissance et même sur la mobilisation des recettes parce que certains sous-traitants ont réduit leurs activités et d’autres ont simplement arrêté. Ce qui fait que pratiquement on a eu un manque à gagner important au niveau des recettes fiscales.
Le deuxième choc, c’est bien entendu les manifestations de rue et des grèves qui ont continué en 2013, freinant ainsi les activités économiques du pays. Le volume d’exportation s’en est fortement ressenti et finalement le budget de l’état a été impacté négativement avec un manque à gagner d’environ 1000 milliards de FG de recettes. Cela a fait que l’économie guinéenne, qui avait une perspective de plus de 5% de croissance en 2013, a été revue à la baisse. Aujourd’hui nous tablons sur une sortie de 2,7%.
Comment comptez-vous rattraper ce manque à gagner?
Les négociations sont en bonne voie au niveau du secteur minier. Récemment, nous avons signé une convention avec la CPI, une société chinoise qui va investir en Guinée plus de 6 milliards de dollars en 7 ans. Ces investissements vont commencer à la fin de cette année et continuer en 2014. Cet apport va booster les activités de la croissance en 2014.
A cela, il faut également noter la lettre d’intention que nous venons de signer avec le Rio Tinto dans le cadre du développement du projet Simandou. Au mois de novembre, nous allons conclure un cadre d’investissements avec ce groupe qui sera soumis à la nouvelle assemblée pour ratification. Nous pensons qu’après cette ratification, les réalisations de ce projet vont rentrer dans une phase plus dynamique.

Nous sommes aussi dans un programme économique et financier avec le FMI où on a mis en place plusieurs mesures structurelles qui tendent d’abord à améliorer la fiscalité intérieure. Ce programme nous a permis de passer d’un taux de pression fiscale de 15 pour cent en 2010 à près de 20 pour cent en 2013. Ces réformes vont être poursuivies au niveau des deux principaux régis de recettes. Nous avons crée une division de service de petites et moyennes entreprises qui va se fixer pour objectif d’agir beaucoup plus sur le secteur informel pour essayer de booster la mobilisation des recettes au niveau de la DNI.
Nous travaillons à réduire considérablement les inégalités qui existaient au niveau du cordon douanier. Les exonérations sont complètement supprimées et nous avons aussi éliminé tous les abus constatés au niveau des exonérations conventionnelles.
A ce niveau, nous avons un projet de loi sur les incitations fiscales parce que les réformes que nous sommes en train de mener dans le cadre de l’amélioration du climat des affaires vont tendre à séparer le code des investissements et les incitations fiscales.
Qu’est ce qui est nouveau dans ce code?
La principale nouveauté est qu’il n’y a plus de tracasserie. Ce nouveau code dissocie non seulement les investissements aux incitations fiscales, mais aussi il s’étend également au niveau des nouvelles technologies. Tout ceci permettra d’attirer les investissements pour combler le besoin dans le secteur privé.
Pourquoi en dépit de tous ces efforts, les Guinéens continuent de souffrir?
Je pense qu’il faut faire attention quand on apprécie ce qui se passe en Guinée parce que c’est la surenchère et on ne dit pas la vérité aux gens. Beaucoup de choses ont été faites depuis l’élection du président Alpha Condé. Quand vous prenez un pays comme la Guinée oû tout est à faire, il est difficile de mesurer l’impact de ce que vous faites dans un court terme.
Si vous prenez le domaine de l’agriculture, le gouvernement a réorganisé les filières et a appuyé le secteur. La denrée la plus consommée chez nous c’est le riz. Le prix du riz a été cassé depuis deux ans sur le marché intérieur. Et aujourd’hui, les producteurs sont encouragés à produire. 60% de nos compatriotes sont dans ce secteur. Quand on améliore les conditions de vie de ces gens là, on lutte en même temps contre la pauvreté parce qu’on accroit leurs revenues. C’est ce qui est en train de se faire.
Quelles sont les dernières nouvelles concernant l’électrification du pays?
Dans le domaine de l’énergie, il ya lieu de rappeler que pendant 15 ans on y a pas investi. C’est ce que le gouvernement a comblé. D’abord on a commence par acheter des groupes hygrothermiques de 100 mégawats. Bien sur, ces 100 mégawats ne sont pas tous disponibles pour le moment. Nous sommes en train de finaliser leur mise place.
Nous avons engagé.des dépenses dans l’entretien des thermiques existants. Garafiri et Donkeya avaient des problèmes de pièces…, etc. Au lieu de produire 75/100 mégawatts, ces thermiques n’avaient de capacité.de produire que 30 à 40.

A court terme, nous avons aussi pensé à la construction des barrages hydroélectriques. Le barrage de Kaléta a été financé conjointement par l’état guinéen et le gouvernement chinois. Le calendrier de construction de ce barrage suit son cours normal et nous pensons qu’à partir de la fin de 2015 on pourra avoir une capacité additionnelle de 240 mégawatts dans le processus d’électrification du pays.
Entre temps, nous avons implanté des panneaux solaires dans toutes les préfectures. Il ya donc des progrès qui sont en train d’être réalisés. Ce n’est pas en claquant les doigts que tout va se réaliser, mais le gouvernement est en train de poser des actes qui pourront améliorer les conditions de vie des Guinéens.
Pouvez-vous nous parler de la conférence d’Abu Dhabi prévue en novembre?
Les 24 et 25 novembre nous allons organiser une conférence des bailleurs de fonds à Abu-Dhabi. A cet effet, nous avons préparé un nombre important de projets dans presque tous les domaines. La Guinée a beaucoup d’avantages comparatifs au niveau de l’agriculture, de l’énergie et des mines. Nous viendrons donc avec des projets dans ces domaines pour que les bailleurs de fonds traditionnels, c’est à dire la Banque mondiale et le FMI puissent nous accompagner dans le financement. Egalement, une place de choix sera accordée aux bailleurs arabes. Il ya aussi les grands pays auprès desquels nous tenterons de créer un engouement à assister à cette conférence afin qu’ils puissent sensibiliser leurs secteurs privés ou publics d’accompagner la Guinée.
Nous considérons cette conférence comme un virage pour le pays. Celui qui va nous permettre de mobiliser suffisamment de fonds et créer des partenariats publics et privés entre les entreprises guinéennes et étrangères pour que le dynamisme que nous recherchons dans le secteur privé puisse se concrétiser.
Propos recueillis par Alsény Ben Bangoura
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