Coupable des trois chefs d’accusation: c’est le verdict unanime auquel est arrivé le jury au procès de l’ex-policier Derek Chauvin, condamné pour meurtre au deuxième degré, meurtre au troisième degré et homicide involontaire pour avoir causé la mort de l’Afro-Américain George Floyd.

Parvenu à un verdict rapide, au terme de dix heures de discussions, le jury, isolé, délibérait depuis lundi. Lisant à voix haute les chefs d’accusation l’un après l’autre, le juge Peter Cahill a prononcé les trois décisions du jury, martelant chaque fois la même conclusion : coupable.

Le juge Cahill a indiqué qu’il prononcerait la peine dans huit semaines. La caution de Derek Chauvin a été révoquée, et il a été amené en détention, menottes aux mains.

La foule rassemblée devant le tribunal de Minneapolis en attente du verdict ainsi qu’au George Floyd Square, le lieu commémoratif installé à l’intersection où l’Afro-Américain de 46 ans a trouvé la mort, a explosé de joie à l’annonce du verdict, qui était fort attendu.

Les manifestants ont spontanément scandé «Justice» et «La vie des Noirs compte» (Black Lives Matter).

Composé de 12 personnes, le jury a jugé, hors de tout doute raisonnable, l’ex-officier de police de 45 ans directement responsable de la mort de George Floyd, survenue en mai 2020 au cours d’une intervention policière, se rangeant ainsi derrière les procureurs.

Ces derniers avaient attribué la mort du quadragénaire afro-américain à la « force létale » disproportionnée employée par l’accusé et à un manque d’oxygène.

Derek Chauvin a posé son genou sur le cou de George Floyd pendant 9 minutes 46 secondes alors que ce dernier était menotté.

Les mots martelés par George Floyd – «Je ne peux pas respirer» – étaient devenus un cri de ralliement lors de la vague de manifestations contre la brutalité policière, l’an dernier.

La défense soutenait au contraire que la fin tragique de George Floyd était due à des problèmes cardiaques et à la consommation de fentanyl et de méthamphétamine.

Derek Chauvin, qui a refusé de témoigner en invoquant son droit au cinquième amendement, avait plaidé non coupable de chacun des chefs d’accusation. Les jurés devaient les soupeser de façon indépendante.

«Une justice obtenue dans la douleur»

Du président Joe Biden et de la vice-présidente Kamala Harris à l’ancien président Barack Obama ou la fille de Martin Luther King en passant par plusieurs élus américains, les réactions ont fusé.

Se succédant au micro, plusieurs membres de la famille de George Floyd, leurs avocats ainsi que des leaders afro-américains des droits civiques influents comme Al Sharpton ont salué la décision du jury au cours d’un point de presse commun.

«Je vais m’ennuyer de lui, mais aujourd’hui, il fait partie de l’histoire», a notamment lancé Terrence Floyd, l’un des frères de George Floyd, devenu un symbole des injustices dont sont victimes les Noirs.

«Quelle journée pour être un Floyd!», s’est réjoui un autre de ses frères, Philonise, qui a cependant souligné que la lutte n’était pas terminée.

«Le révérend Al [Sharpton] m’a toujours dit : « Nous devons continuer à nous battre. » Je vais me battre tous les jours, parce que je ne me bats plus seulement pour George. Je me bats pour ceux du monde entier», a-t-il affirmé, disant avoir reçu des messages de soutien du monde entier. «Ils disent tous la même chose : « Nous ne pourrons pas respirer tant que vous ne pourrez pas respirer »».

«Nous sommes ici et nous n’irons nulle part», a-t-il ajouté, remerciant les manifestants et les avocats. «La justice pour George signifie la liberté pour tous», a-t-il conclu.

«La famille de George Floyd et la communauté, ici, à Minneapolis, ont obtenu justice dans la douleur, mais le verdict d’aujourd’hui va bien au-delà de cette ville et a des implications significatives pour le pays et même le monde», avait déclaré dans un communiqué un des avocats de la famille Floyd, Ben Crump.

«Une justice pour l’Amérique noire est une justice pour toute l’Amérique», a-t-il affirmé, voyant dans le verdict «un tournant dans l’histoire américaine». «Cette affaire […] envoie un message clair qui, nous l’espérons, sera entendu clairement dans chaque ville et chaque État», a-t-il ajouté.

Les procureurs ont eux aussi commenté la décision devant les médias.

«Je ne qualifierais […] pas le verdict d’aujourd’hui de justice, car la justice implique une véritable restauration, mais il est question de responsabilité, qui est le premier pas vers la justice», a déclaré le procureur général du Minnesota, Keith Ellison.

Jerry Blackwell, un avocat pour les droits civiques des Afro-Américains qui faisait partie de l’équipe des procureurs, a pour sa part dit espérer que ce verdict aiderait à «avancer sur le chemin d’une humanité meilleure».

Le message du maire de Minneapolis, Jacob Frey, est allé dans le même sens.

«Ce verdict de meurtre ne changera pas le fait que la famille de George Floyd est désormais incomplète. Il ne réparera pas les dommages causés à la communauté, ne restaurera pas le potentiel […] de sa vie et ne rendra pas son père à une enfant», a-t-il dit dans un communiqué de presse. «Mais cette décision marque une étape importante dans notre quête de justice raciale à Minneapolis – une étape importante sur un chemin beaucoup plus long.»

Il a par ailleurs averti que les émeutes et les pillages «ne seront pas tolérés».

La Fraternité nationale de la police, le plus grand syndicat de policiers des États-Unis, a de son côté estimé que la justice avait «fonctionné comme il se doit». «Le procès a été équitable et la procédure régulière a été respectée», a réagi l’organisation dans un communiqué publié sur Twitter.

Derek Chauvin est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans pour l’accusation d’homicide involontaire, de 25 ans pour celle de meurtre au troisième degré et de 40 ans pour celle, plus grave, de meurtre au deuxième degré.

Les peines recommandées par le Minnesota pour ce type d’accusations sont toutefois beaucoup moins sévères. Selon CNN, elles sont de 12,5 ans pour chaque chef d’accusation de meurtre et d’environ 4 ans pour celui d’homicide involontaire.

Le juge pourrait décider que l’accusé, s’il est jugé coupable de plus d’un chef d’accusation, purgera chacune des peines de façon consécutive ou concomitante.

L’identité des 12 jurés et de leurs trois substituts a été gardée secrète. Selon les informations rendues publiques par le tribunal, on sait cependant que le jury incluait six Blancs, quatre Noirs et deux personnes métissées.

Deux jurés étaient dans la vingtaine, trois dans la trentaine, trois dans la quarantaine, trois dans la cinquantaine et un autre était dans la soixantaine.

Neuf femmes et six hommes formaient le groupe de jurés et leurs substituts.

Les trois anciens collègues de Derek Chauvin impliqués dans la mort de George Floyd, accusés de complicité de meurtre, subiront leur procès en août. AFP

 

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