EBOLA entretien avec l’ Inspecteur Général de la Santé en Guinée (photo), M. Aboubakar Sidiki DIAKITE
AlloConakry a interviewé M Aboubakar Sidik DIAKITE, à New York le 25 septembre à l’occasion de son intervention à la 69ème Assemblée Générale de l’ONU, aux cotés du Président de la Guinée Pr Alpha Condé.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a publié officiellement le 23 mars 2014 «Une flambée de la maladie à virus Ebola en Guinée» sur son site web. M Diakité nous confirmé la date du 21 mars 2014 officiellement déclarée par le chef d’Etat en Guinée.
Le 8 août, l’OMS déclarait l’épidémie «Urgence de santé publique de portée internationale». Une série d’articles retrace les origines et l’évolution de l’épidémie en cours et fait le point de la situation aujourd’hui.
Nous apportons de notre côte des éléments de terrain issus du témoignage de M. Diakité inspecteur général de la santé publique en Guinée, travaillant en collaboration étroite avec les experts de l’OMS ainsi que les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains. Il nous a présenté les documents de statistiques officielles basées sur les projections épidémiologiques sur l’évolution probable de l’épidémie.
La situation actuelle en Guinée s’est accalmie voire stabilisée, selon l’OMS « Si la tendance reste à la hausse en Sierra Leone et très probablement aussi au Liberia, la situation en Guinée, tout en demeurant grave, semble se stabiliser: entre 75 et 100 nouveaux cas confirmés ont été signalés au cours de chacune des cinq semaines passées».
D’autre part, la proximité des frontières entre la Guinée et le Liberia et Sierra Leone qui sont culturellement voire par des liens de famille, entre les habitants des pays voisins, compliquent les mesures d’isolement pour éviter de propager l’épidémie du virus.
C’est ainsi qu’une mission de sensibilisation sur l’épidémie qui sévit en Guinée depuis le début de l’année a été attaquée à Womé, non loin de la frontière avec le Liberia, 16 septembre «Huit Guinéens, sept membres de la délégation, dont trois journalistes, et un habitant, ont été lynchées par des villageois », a expliqué au journal le Monde, le ministre Guinéen de la santé, le colonel Rémy Lamah, joint à Conakry par téléphone.
Entretien
AlloConakry: Vous arrivez de la Guinée quelle est la situation actuelle?
M Diakité: Nous avons fait notre maximum pour stabiliser la situation, avec les moyens du bord. Nous avons été très surpris par l’arrivée de ce virus. On ne s’attendait pas à l’Ebola dans notre pays et c’est pourquoi nous n’avions pas prévu de système de détection de ce virus. Nous ignorons comment ce virus est arrivé même ou a pu se développer aussi rapidement.
Quel est l’épicentre de cette maladie ? A quel endroit est ce arrivé en premier?
Le premier malade détecté a commencé Gueckedou, avec le premier cas d’un enfant de 2 ans qui fut infecté par le virus et succomba. C’est à cet endroit que l’ONU et notre gouvernement a installe un laboratoire a cet endroit même de l’épicentre de la maladie.
Question :Quel est la durée d’incubation? A quel moment sait-on précisément que l’on est détecté infecté par le virus Ebola?
La période d’incubation est de 21 jours. C’est ce qu’on appelle un « Cas confirmé ». Ensuite il y a ce que l’on appelle les Cas probables» qui présentent des symptômes similaires mais pas avérés, selon les analyses biologiques. Nous avons a ce titre 162 cas confirmés. Et enfin il y a les « Cas suspects » soit « Transitoires » qui sont identifiés cliniquement et restent à définir par analyse biologique. Sachant que nous ne disposons pour l’instant que de 2 laboratoires d’analyse ce qui rallonge des durées pour fournir les résultats.
Quels sont les moyens de communication et de prévention à l’attention de la population?
Les dispositifs de communication de sante publique ont été mis en place, par moi-même, depuis 2007 déjà bien avant l’irruption du virus Ebola. (Suite a la survenue d’un évènement dramatique). Nous avons alors élaboré ce plan de communication en collaboration avec le ministre de la sante et les ONG internationales afin de grouper les données et statistiques et améliorer la communication. Hélas il y avait souvent une cacophonie de communication des différents patrons de santé. Nous organisons désormais quotidiennement une réunion de cirse concernant l’Ebola afin de mutualiser nos moyens et efforts en partenariat avec l’OMS.
Quelles sont les contraintes que vous rencontrez lors de cette lutte contre l’Ebola?
Les réelles contraintes en plus du manque de moyens matériels et financiers, il faut ajouter les problèmes lies aux Comportements et attitudes culturelles. Ces attitudes sont ancrées et liées aux traditions et il est très difficile d’y remédier surtout dans l’urgence car on ne peut pas changer les mentalités ancestrales. Par exemple la Guinée est un pays musulman, et le funéraire implique que l’on effectue le lavement des morts avant de mettre le corps dans un linceul. Cela démultiplie les phases de contact entre le malade, puis le mort qui avait été infecté avant de décéder.
Quels sont vos besoins actuels? Qu’avez-vous demandé a l’ONU envers la CommunautéInternationale?
Nous maquons cruellement de moyens matériels et financiers pour contrer ce virus et nous étions si proches de l’éradication de l’épidémie avant que le virus ne soit propagé vers les pays frontaliers étant donné la proximité ainsi que les liens familiaux avec nos voisins. Nous avons fait une PAO de 80 millions $, en réalité 50 M$ d »annonc2 est difficile. La Banque mondiale projette de mobiliser des ressources matérielles de 25 M$ pour lutter contre l’Ebola. Nous espérons que l communauté Internationale s’impliquera plus car nous avons besoin d’aide mais aussi parce que nous ne parlons plus d’un cas isolé mais d’une réelle épidémie qu’on ne souhaite pas se transformer en pandémie.
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Lors de son intervention jeudi 26 septembre à la 69ème session de l’Assemblée générale de l‘Onu, le président Alpha Condé a réitéré sa mise en garde contre les risques d’”isolement” des pays touchés dont la Guineée, en mettant un paeticulier sur la menace que représente Ebola pour la croissance économique de son pays.

Alpha Condé: “L’impact négatif de la fièvre hémorragique à virus Ebola sur l’économie nationale, s’est manifesté par le ralentissement des échanges commerciaux, la baisse de la productivité ainsi que le recul des activités dans les secteurs des transports, des investissements et du tourisme. »
« Au stade actuel, la Guinée a subi une perte de près de 2.5% sur les prévisions de croissance du PIB. Cette perte pourrait s’alourdir si des mesures idoines ne sont pas prises à temps pour endiguer l’épidémie.”
«Il faut isoler l’Ebola et non les pays » (NDLR)
“D’autres conséquences néfastes pèsent également sur les pays affectés, notamment la fermeture des frontières et la libre circulation des populations, la suspension des vols et la stigmatisation des ressortissants des Etats touchés par la maladie. »
« L’épidémie Ebola nous rappelle l’impérieuse nécessité d’une approche globale pour contenir et vaincre cette terrible maladie.“
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La Directrice Général de l’OMS Dr Margaret Chan, s’est exprimée le 25 septembre à l’ouverture de la réunion de haut niveau sur la riposte à la flambée de maladie à virus Ebola, lors de la 69 ème Assemblée Générale de l’ONU.
«Je remercie tout particulièrement le Secrétaire général et le Président Obama. Vous avez tous deux affirmé fermement la nécessité d’augmenter massivement le soutien. Cette épidémie, qui progresse rapidement, a pris tout le monde de court dès le début et elle franchit tous les obstacles que nous mettons en place pour tenter de ralentir son cours.
La Mission des Nations Unies pour l’action d’urgence contre l’Ebola (MINUAUCE) est en alerte en permanence. Je vous demande à tous d’adopter la même attitude. Dans certaines régions, pas un seul lit n’est disponible.
Des patients malades ou mourants sont refusés dans les centres de traitement débordés, dont le fonctionnement est assuré par MSF ou d’autres collègues. Nous n’arrivons pas à construire des établissements assez rapidement.
Nous devons faire davantage d’efforts. Des soins de bonne qualité sauvent des vies. En ce qui concerne les pays frontaliers de la Guinée, qui sont actuellement touches par l’épidémie d’Ebola sont le Liberia et Sierra Leone dont les projections sont plutôt alarmantes.
Les CDC pensent toutefois qu’il faut multiplier par 2,5 ces chiffres – soit autour de 21 000 cas – en raison d’une sous-déclaration. Au 20 janvier, le bilan pourrait atteindre jusqu’à 1,4 million de cas. Un scénario que les CDC jugent très improbable avec le déploiement de l’aide internationale. Le nombre de cas dans les deux pays double environ tous les vingt jours, plus rapidement au Liberia qu’en Sierra Leone.
Dr. Margaret Chan avait terminé son allocution par «Dans un monde humain, nous ne pouvons laisser les populations d’Afrique de l’Ouest souffrir autant».
Par Rahma Sophia Rachdi et Alsény Ben Bangoura
AlloConakry