C’est une relative accalmie qui règne en Guinée après la suspension de la grève des enseignants le 13 mars 2018, et la rencontre au sommet, deux semaines plus tard entre le président de la république Alpha Condé et du chef de file de l’opposition, Mr.Cellou Dalein Diallo. Il faut rappeler que c’est une véritable crise sociale et politique qui avait secoué la Guinée en ce début du premier trimestre 2018.
La section dissidente du Syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG) avait déclenché une grève illimitée pour demander le versement des 40% de leurs indemnités de salaires, la revalorisation du traitement des enseignants et l’amélioration de leurs conditions de travail. Bien que section dissidente, la grève avait été largement suivie sur toute l’étendue du territoire national et les écoles étaient restées fermées.
Les 2 parties (gouvernement et syndicat) taient restées figées sur leurs positions et rien ne permettait d’entrevoir une sortie de crise au grand dam des familles et parents d’élèves. Il a fallu une manifestation monstre et tonitruante, le 12 Mars 2018, des élèves et de leurs parents, jusqu’au niveau des barricades de la présidence, pour que les 2 parties se résolvent enfin à signer un accord permettant le versement des 40% et la suspension de la grève. Il a été convenu que les négociations reprendront plus tard en ce qui concerne les autres points de revendication.
Au moment même ou ce bras de fer entre gouvernement et syndicat avait lieu, les opposants étaient dans la rue pour contester les résultats des élections communales organisées le 4 Février 2018. Alors que les électeurs s’étaient rendus aux urnes dans le calme, le dépouillement et la compilation des résultats avaient déclenché une série de violences dans plusieurs localités du pays, entrainant des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants. Au cours de ces violences électorales, on a compté au moins 7 morts, à Conakry, Kindia et Kalinko ; des incendies de cases, de maisons et de magasins.
Les militants de l’opposition et du parti au pouvoir en étaient presque venus à s’affronter dans la rue. Alors que le pays était sur le point de basculer dans le chaos, de nombreuses médiations, de la part des religieux, du médiateur de la république et celle décisive de l’envoyé de l’Union Européenne, en la personne de Louis Michel, ont permis d’éviter au pays le pire. C’est à la suite de ces médiations, que le président de la république a eu une tête à tête avec le chef de file l’opposition qui a permis de dénouer la crise.
Les 2 interlocuteurs se sont engagés à privilégier le dialogue et la concertation pour régler toutes les divergences dans la vie politique en général, et dans le processus électoral en particulier, à identifier et poursuivre devant les tribunaux tous les responsables des violences électorales, et aussi à fournir une assistance aux victimes. Il a été aussi demandé au Comité de suivi de l’accord politique (du 12 Octobre 2016) de trouver une solution au différent électoral qui porte sur six (6) communes urbaines et six (6) communes rurales sur les 342. A la fin de cette rencontre, le chef de file de l’Opposition et leader de l’UFDG, a annoncé l’arrêt des manifestations, « en attendant, dit-il, de voir si les engagements pris seront respectés ».
Depuis ces dénouements heureux, la Guinée vit dans l’expectative ! Le gouvernement et les syndicats doivent bientôt reprendre une nouvelle série de négociations et personne ne sait si elles aboutiront à une issue heureuse. Pour compliquer la situation, la fracture qui existe au niveau du SLECG s’est accentuée, en créant une nouvelle fois des incertitudes de ce coté là. Si l’unité n’est pas restaurée, quelle faction du syndicat sera-t-elle conviée à mener les négociations avec le gouvernement ? Si les choses tournent mal, la Guinée est-elle exposée à une nouvelle grève des enseignants avant la fin de l’année ?
Sur le plan politique, le comité de suivi du dialogue guinéen s’est déjà mis au travail. Ce comité de suivi, composé des représentants de la mouvance, de l’opposition, de la société civile et des partenaires techniques et financiers, pourra-t-il surmonter les divergences qui naissent déjà entre mouvance et opposition d’une part et entre les différentes factions de l’opposition d’autre part ? Comment ce comité va –t-il s’y prendre pour régler le différend électoral et remettre chacun dans son droit, ce que les juges n’ont apparemment pas réussi à faire, comme cela avait été prévu par la loi ? Va-t-on procéder à un recomptage des voix dans les 12 circonscriptions concernées ou va-t-on annuler purement et simplement le scrutin au niveau de ces six communes urbaines et six communes rurales? Ou alors va-t-on simplement examiner les procès verbaux exhibés par l’opposition pour valider ses réclamations? Va-t-on revenir en arrière pour réexaminer le mode de désignation des chefs de quartier comme le réclame les centristes et une partie de l’opposition ? Tant de questions à ce jour qui restent sans réponses, surtout que le comité de suivi opère dans une grande opacité et sans la moindre communication.
Alors que toutes ces discussions sont en cours, un nouvel élément s’est introduit dans le débat politique guinéen ; C’est celui de savoir si le président de la république doit changer le gouvernement, comme il l’avait indiqué au lendemain de la grève des enseignants. Dans l’entourage du président, un groupe estime que les choses doivent aller vite et exerce de fortes pressions pour que le chef de l’état nomme rapidement un premier ministre « plus compétent et plus responsable » et changer tout le gouvernement. Ils annoncent sans cesse un remaniement qui ne saurait tarder et les médias du pays sont utilisés à
dessein.Tout ceci sans que personne ne sache effectivement quel est leur objectif final. Une partie de la société civile, quant à elle, hausse le ton et déclare à qui veut l’entendre qu’elle n’acceptera aucun ministre recyclé dans le nouveau gouvernement. Les autres conseillent la prudence et demandent au président Alpha Condé d’agir avec stratégie et de manière sereine. L’opposition quant à elle, affiche une indifférence et un mépris total sur la question.
Alors que va-t-il se passer au juste ? Les guinéens attendent et se posent des questions. Le pays va-t-il conjurer le sort et trouver une sortie de crise définitive à la crise politique et sociale qui secoue le pays depuis plusieurs mois ? Ou bien le changement de gouvernement sera-t-il la panacée aux multiples crises qui freinent le développement ?
Si l’espoir est permis, la déception ne sera pas trop loin, surtout si toutes les parties concernées ne font pas un constat et un état des lieux pour savoir comment on est arrivé là et surtout quoi faire pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
C’est de cette manière seulement que les guinéens vont renouer avec la paix et la stabilité, indispensables pour s’atteler aux défis de la croissance économique. A suivre…
Thierno Sadou Diallo
Consultant
AlloAfricaNews