Les enseignements de la crise sociale

Alors que les négociations avec le syndicat libre des enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG) sont sur le point de reprendre, rien n’indique à ce jour que le gouvernement ait tiré les enseignements de la dernière grève qui a aboutit à la fermeture des écoles pendant plus de 3 mois. Or un constat s’impose pour évaluer toutes les insuffisances et éviter de nouveaux points d’achoppement.

Le premier constat est que le gouvernement a commis une grave erreur en voulant s’immiscer dans les conflits de leadership au sein du SLECG. En soutenant la faction qui lui était favorable et en voulant délégitimer la section dissidente qui tenait coute que coute à poursuivre la grève, le gouvernement s’est mis dans une situation extrêmement difficile.

D’autant plus que la section dissidente sous la direction du secrétaire général adjoint, Aboubacar Soumah, semblait être celle dont les appels à la grève étaient les plus suivis par les adhérents. On a donc voulu utiliser la manière forte en intimidant et en harcelant les leaders de la grève. Non seulement le salaire d’Aboubacar Soumah fut bloqué mais il fut frappé par une interdiction d’antenne sur tous les médias publics et privés.

Des mesures extrêmes qui n’ont fait que galvaniser le mouvement dissident. Plus la grève s’intensifiait, plus le gouvernement était obligé de faire face à la réalité, en revenant sur ses pas et en invitant Aboubacar Soumah et ses camarades à des pourparlers au palais présidentiel. C’est dire donc que le gouvernement aurait pu ménager tous ces efforts et gagner en temps si dès le début on avait facilité un rapprochement entre les 2 factions du SLECG, ou tout au moins essayer de négocier avec toutes les parties intéressées.

Mais tel ne fut pas le cas et la leçon à retenir est qu’un gouvernement ne doit jamais s’immiscer, ou avoir un parti pris dans des querelles de leadership qui surviennent au niveau des organisations syndicales. Le linge sale se lave en famille!

Le deuxième constat est qu’il faut se rendre à l’évidence qu’il y a des secteurs vitaux essentiels dans la vie publique d’une nation qui doivent faire l’objet d’une plus grande attention et d’une protection sans faille. Tout s’est passé comme si le gouvernement a somnolé au volant. Mais la manifestation du 12 Mars qui a failli secouer l’Etat dans ses fondations est venue sortir l’équipe gouvernementale de sa torpeur et rappeler à tous qu’on ne badine pas avec certains secteurs dits « stratégiques », dont celui, justement, de l’éducation.

Les élèves et les parents qui sont sortis crier leur ras-le-bol dans les rues de Kaloum, ont à travers cette manifestation, exprimé leur détermination à aller jusqu’au bout pour que les enfants retrouvent le chemin de l’école. Aux yeux de tous, il est clair que le gouvernement n’avait pas su mesurer les risques encourus en gardant les écoles fermées pour une si longue période. Mais là aussi la réalité est venue s’imposer. Même dans les moments les plus difficiles, il faut toujours s’assurer que dans un Etat, certains secteurs continuent à fonctionner : la police, la gendarmerie, l’armée, les écoles, les hôpitaux et les banques.

Le troisième constat se situe au niveau des négociateurs qui représentaient la partie gouvernementale. A voir comment les négociations ont été menées, et l’impasse à laquelle elles ont abouti, avant de capituler totalement aux exigences du syndicat dans la soirée du 13 Mars, on ne peut conclure que la partie gouvernementale a fait preuve d’amateurisme.

A quoi pouvait-on s’attendre si ce sont les ministres qui se muent en négociateurs, alors qu’ils n’ont ni l’expertise, ni la compétence pour le faire. Ce type de négociations doit être mené par des professionnels en la matière, des experts rodés dans les conflits et les problèmes syndicaux. Le gouvernement doit avoir à sa portée un pool d’experts compétents et rodés à la tache pour mener des négociations aussi difficiles et litigieuses.

Mais un ministre ne peut pas être un bon négociateur dans un secteur aussi vital et qui échappe à ses domaines de compétences. Le résultat est que l’état guinéen qui a du se résigner à accepter les revendications des syndicats, est aujourd’hui à la recherche des voies et moyens pour financer ces augmentations de salaire.

Alors que plusieurs propositions pouvaient être mises sur la table concernant la réduction du train de vie de l’état, et la prise en compte des revendications des enseignants à travers des subventions pour le logement, le transport, l’accès préférentiel à certains services sociaux de base, la construction progressive de logements sociaux et de cités pour les enseignants, bref toute une panoplie de mesures et d’avantages qui allaient couter moins cher que d’aller puiser directement du liquide dans les caisses de l’état. Et pourquoi n’a-t-on jamais fait cas du niveau des enseignants qui demandent des augmentations de salaires alors que pour beaucoup d’entre eux, la qualité de l’enseignement dispensée laisse à désirer. Ce qui explique en partie le faible niveau constaté au niveau de l’école guinéenne. Que fait le SLECG pour que les enseignants défaillants soient mis à niveau? Ceci ne pouvait-il pas être un point de négociation?

En dernière analyse, la crise sociale a révélé l’importance et la nécessité de la décentralisation. Même si certains gouvernements trainent le pas sur cette question, il vaut mieux confier certains services publics aux administrations locales qui sont mieux indiquées à les proposer et à les offrir aux citoyens.

On peut citer par exemple: le ramassage des déchets, les écoles, les hôpitaux et la santé publique, les services d’Etat-civil, et pour des pays plus avancés et mieux organisés, la mise en place et la maintenance de l’infrastructure (routes, ports et aéroports). Mais quand on sait que depuis le 4 Février 2018, plus de 2 mois et demi après le scrutin, la Guinée n’arrive toujours pas à mettre en place les conseils communaux du à un différent électoral, il faut se demander si l’espoir est permis qu’un jour ce pays atteigne un tel niveau d’organisation qui pourrait le mettre à l’abri des soubresauts qui l’ont marqué au cours de ce premier trimestre 2018.

Thierno Sadou Diallo
Consultant

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