Cet article est la suite de notre série sur la situation politique en Côte d’Ivoire à l’occasion de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020.

Un pacte Bédié-Ouattara?

Selon certaines indiscrétions, la cassure au sein du RHDP serait intervenue à cause du non-respect par M. Ouattara d’un pacte qu’il aurait conclu avec M. Bédié. Les deux hommes «auraient signé» un accord selon lequel M. Bédié apporterait son soutien à M. Ouattara aux élections de 2010 et 2015 et en retour ce dernier accepterait de transmettre le pouvoir au candidat du PDCI à l’élection présidentielle de 2020.

Vraie ou fausse, cette rumeur qui a fait long feu est difficilement vérifiable. S’il est vrai que M. Bédié a bel et bien soutenu Alassane Ouattara aux deux dernières élections présidentielles, nul n’a pu exhiber à ce jour une copie de cet accord. Ce qui met en doute qu’un tel pacte n’ait jamais été conclu entre les deux parties. Mais certaines sources indiquent que la création du poste de vice-président permettait au candidat du parti allié d’attendre en coulisses comme successeur potentiel auquel le pouvoir allait éventuellement échoir. Tout semblait donc être réglé pour un transfert régulier et pacifique du pouvoir entre les principales forces politiques du pays.

C’est ainsi que M. Daniel Kablan Duncan, un cadre du PDCI fut choisi comme Vice-président de M. Alassane Ouattara, faisant de lui le dauphin présomptif. Dans un tel scenario, les doyens de la politique ivoirienne comme M. Bédié, M. Ouattara devraient normalement prendre leur retraite. Mais au fil du temps, que constate-t-on?

M. Bédié, à la 11ème heure, commence à revenir sur ses intentions initiales et sur l’esprit de l’accord d’alliance entre les différentes composantes du RHDP. Il affaiblit la position de M. Kablan Duncan sur la ligne de succession et fait savoir que le candidat du PDCI sera choisi par le parti, au terme d’une convention. Et il ne fait plus mystère de son intention de revenir au pouvoir en se déclarant candidat à la présidentielle de 2020. Le président Ouattara aura tout fait pour le convaincre de renoncer à ce plan, mais il ne voulut pas l’entendre de cette oreille. Le président dû se résigner au fait que la dynamique qui avait conduit à la mise en place d’une nouvelle constitution avait changé. Aurait-il été victime d’un marché de dupes?

La réforme constitutionnelle du 17 Mars 2020

Face à la nouvelle donne politique causée par l’entêtement de M. Bédié, le président Ouattara jugea nécessaire de proposer une réforme de la constitution de 2016 pour adapter et pérenniser un «modèle de fonctionnement de l’exécutif qui a démontré son succès et son efficacité». Il faut dire que depuis quelque temps les pouvoirs du premier ministre avaient été renforcés au détriment du vice-président qui avait vu le tapis être tiré sous ses pieds.

La réforme constitutionnelle voulue par Ouattara va donc s’articuler sur trois points: le poste de vice président, la cour suprême et le mandat parlementaire. Mais pour les besoins de la cause, on va juste s’intéresser à la réforme touchant le poste de vice-président. Dans la nouvelle version, le ticket présidentiel est supprimé.

En effet «dans la constitution adoptée en octobre 2016, le vice-président devrait être élu en même temps que le président sur une même liste. Mais dans le texte qui sera soumis aux parlementaires, le Vice-président sera nommé par le Chef de l’Etat élu, avec l’approbation du parlement». Mais c’est l’analyste politique, Sylvain Nguessan qui résume au mieux la situation:

«En Côte d’Ivoire, le premier ministre qui a plus de pouvoir que le vice-président, est nommé par le président de la République. Donc rien ne l’empêche dans un tel cas de nommer son vice-président».

Le 17 Mars 2020, en dépit des réserves de l’Opposition, le projet de loi portant modification de la Constitution sera adopté par les deux chambres du parlement, à l’Assemblée et au Senat. Mais ce n’est pas tout! Il est prévu aussi une modification de la loi électorale qui sera présentée le 28 Mars 2020 devant l’Assemblée Nationale. C’est un dialogue entre le gouvernement et l’opposition qui a donné naissance au texte qui stipule le parrainage du candidat à l’élection présidentielle, par 1% des électeurs, le relèvement de la caution de 20 à 50 millions de franc CFA pour l’élection présidentielle, et la réduction à 5% du taux de suffrage requis pour le remboursement de cette caution. Il faut cependant relever que l’opposition incarnée par M. Bédié et M. Soro, va rejeter ce projet de réforme constitutionnelle qu’ils qualifient de «tripatouillage».

Dans la troisième partie de cette série à paraitre mercredi, AlloAfricaNews se penchera sur le pacte pacte Ouattara-Soro. A suivre….. AlloAfricaNews