Une nouvelle Assémblée nationale a été installée ce mardi 21 avril 2020 à Conakry alors que le dirigeant guinéen Alpha Condé poursuit son agenda obscur de s’éterniser au pouvoir. En ce sens, il a trouvé un allié en la personne d’Amadou Damaro Camara, leader du groupe parlementaire de la mouvance présidentielle lors de la précédente législature, figure controversée au sein de la classe politique du pays..
A la séance inaugurale au Palais du Peuple, celui ci a été élu facilement à la tête de ladite Assemblée qui est composée de 114 membres dont 79 du RPG-arc-en-ciel qui, à la chambre des députés, travailleront en conivence avec un groupuscule de partis à l’apanage du pouvoir.
Avec une majorité confortable, Damaro est en mesure de donner à Alpha Condé ce qu’il veut pour régner comme un « Emir »en adoptant toutes les lois qui lui sont chères.
On s’attend aussi à ce que Damaro et son équipe entérinent d’importantes conventions minières passées récemment avec les multinationales étrangères.
La cérémonie inaugurale de la nouvelle Assemblée s’est déroulée en l’absence totale de la communauté internationale. Aucune Ambassade étrangère accréditée en Guinée n’y était représentée, non pas seulement à cause de COVID-19 qui endeuille la planète mais aussi et surtout à cause du caractère profondément antidémocratique qui a sanctionné le processus ayant mis en place cette structure parlementaire si décriée.
Autre absent de taille à cette cérémonie sombre, c’est le président Alpha Condé lui même qui est resté cloitré à Sèkhoutouréya. De source bien informée, le dirigeant guinéen avait peur de contracter le coronavirus qui affecte en majorité les personnes de troisiême âge et en état de santé fragile.
Pour le FNDC et les principaux partis d’opposition qui ont boycotté le scrutin du 22 mars dernier, cette rentrée parlementaire est simplement « un non événement ».
« Cest une Assemblée zombie qui n’a aucune crédibilté aux yeux des Guinéens et de la communauté internationale. Elle est appelée à disparaitre avec Alpha Condé qui, on le sait, ne pourra pas s’acrocher au pouvoir au-délà de décembre 2020, même si tel est malheureusement son objectif ultime », a estimé un haut responsable de l’opposition contacté mardi par AlloAfricaNews.
Dans son discours d’investiture, M. Damaro Camara a appelé l’opposition au dialogue pour sortir de la crise politique, mais l’opposition maintient que la nouvelle assemblée est illégitime et réclame une nouvelle élection.
Qui est Amadou Damaro Camara?
Le président de l’Assemblée installée mardi à Conakry est un personnage de 68 ans formé dans l’ancienne Yougoslavie. Amadou Damaro n’est pas étranger à la politique guinéenne. Ancien opposant au régime du Général Lansana Conté, il était associé à la tentative de coup d’Etat du 4 juillet 1985 avec le Colonel Diarra Traoré. Il fut emprisonné puis libéré avant de s’exiler aux Etats-Unis. A la mort de Conté en 2009 il rentre au pays et devient plus tard membre du Conseil national de la transition (CNT).
A la précédente législature, M. Damaro s’est illustré par ses propos jugés parfois désobligeants à l’égard des critiques du régime contre lesquels il a souvent prêché un recours à la force pour les clouer au pilori.
C’est ainsi qu’il avait à un moment donné soutenu l’idée d’envoyer l’armée dans les fiefs de l’UFDG dans la banlieu de Conakry pour reprimer les manifestants. Ce qui lui a valu de vives critiques de la part de la communauté peulh qui le considère d’ailleurs comme un ethnocentriste. Mais tout le monde n’est pas d’accord.

« Il ne fait aucun doute que M. Damaro est une personne impulsive et peut-être arrogante, mais je ne l’appellerais pas un ethnocentriste parce que je connais deux de ses femmes qui sont des Peuls », a souligné Amadou Diallo, fondateur et directeur général d’Aminata.com, une publication basée à New York.
« Je pense que c’est un politicien opportuniste avide de publicité pour séduire sa base qui pourrait avoir besoin d’un dirigeant malinké au sommet quand Alpha Condé n’est plus là », a t-il martelé.
Récemment, Damaro a été également cité par nombreux observateurs comme l’un des commanditaires des violences inter-ethniques à N’Zérékoré, au sud du pays, où des confrontations entre les communautés Konianké et Guerzé ont endeillé une centaine de familles.
Il est aussi perçu par l’opinion comme un politicien ambitieux, corrompu et l’un des ceux qui pillent les ressources naturelles du pays. Selon des sources concordantes, il aurait obtenu beaucoup de retro-commissions avec des sociétés d’exploitation minières en Guinée et posséderait une centaine de camions opérant dans les zones minières et aurifères du pays.
« Les Etats-Unis n’ont aucune leçon de démocratie à donner à la Guinée »
Au plan international, Damaro se pose comme un faucon et un nationaliste qui n’hésite pas à dire merde à Washington. Lors de sa visite en Afrique de l’ouest en 2019, le sous secrétaire d’Etat américain chargé des affaires africaines M. Tiibor Nagy avait déclaré dans une interview que « les Etats-Unis reconnaissent la souveraineté de chaque Etat » et que « les Etats peuvent changer de constitution à leur guise. Le diplomate américain s’est pressé d’ajouer:
« Mais nous avons un problème s’il apparait évident que le président en exercice se serve de cela uniquement pour se maintenir au pouvoir. »
Du Berger à la bergère
En défenseur du régime, Damaro a repondu avec fracas en affirmant que les Etats-Unis, particulièrement le président Donald Trump, n’avait aucune leçon de démocratie à donner à la Guinée. Dans cette logique, il est dit être plus favorable au rapprochement de la Guinée avec la Chine et la Russie qu’aux Etats-Unis ou la France.
M. Damaro Camara est de la même ethnie que le président Alpha Condé, l’ethnie malinké. Sur les réseaux sociaux, des observateurs estiment que « sa nomination » à la présidence de l’assemblée, un poste jusque là occupé par Kory Koundiano, un natif de la région forestière, est un autre signe fort que la Guinée a effectivement basculé dans le totalitarisme à coloration ethnocentriste où la quasi-totalité des postes clefs de l’Etat sont détenus par des malinkés. Ce qui a suscité la réaction d’un guinéen résidant aux Etats-Unis.
« La Guinée n’est pas une famille. Nous sommes en République du Manden, » a lancé Bob Sow.
Des experts familiers avec la Guinée, une nation ouest-africaine avec une longue histoire de dictature et de mal gouvernence, pensent que la nouvelle Assemblée imposée par la force pourrait exacerber la crise politique dans le pays. Alsény Ben Bangoura
AlloAfricaNews