Deux ans après sa nomination en qualité de représentant permanent de la Guinée aux Nations-unies, l’ambassadeur Mamadi Touré n’a toujours pas rejoint sa résidence officielle. Il est contraint de vivre dans un appartement privé qu’il occupait quand il était fonctionnaire de l’Onu.

La raison?

La résidence officielle qui lui est attribuée n’est pas habitable. Pourtant, il s’agit d’une belle et grande maison à deux niveaux implantée  sur une colline dans l’un des quartiers huppés de New York City, la capitale économique des Etats-Unis.

Elle comprend 9 chambres, 2 salons avec cheminée en marbre, 2 salles à manger, des cuisines, 1 bureau, et plusieurs salles de bain.

Abandonné depuis plusieurs années, le bâtiment se trouve dans un état de délabrement significatif et présente des risques sérieux pour la santé et la sécurité.

Dépouillé de ses meubles antiques de beauté exceptionnelle, les canalisations du bâtiment sont percées et colmatées aux chiffons. Les vitres sont rafistolées de bâches et de cartons.  Les murs sont pelés, noircis et craquelés. Des fils électriques s’emmêlent comme des nids juste sous une fuite d’eau.

Les canalisations du bâtiment
Les canalisations du bâtiment

Le magazin de stocakage – au sous-sol – ressemble à un dépotoir d’ordures à ciel ouvert et contient plusieurs objets hazardeux. Souillé de détritus de toutes sortes, l‘odeur qui s’y dégage est nauséabonde. Le risque d’implosion y est vraiment réel. La toiture est dans un état tel, si aucune disposition n’est prise immédiatement, le bâtiment pourrait s’éffondrer dans cette période d’hivers.

Et si tel devait être le cas, l’état guinéen pourrait payer plusieurs millions de dollars en dommages à cause de cette maison qui n’est pas assurée.

A l’état actuel des choses, il faudra au moins 2 millions de dollards pour rénover le batiment, selon l’estimation d’une compagnie immobilière de la place. Et si les travaux de rénovation ne sont pas entrepris maintenant, indique t-on, ce montant pourrait doubler ou tripler.

Le bâtiment en question avait été acquis le 31 octobre 1960 et servait de résidence pour tous les ambassadeurs guinéens à l’Onu jusqu’en 2011. Les présidents Sekou Touré et Lansana Conté y ont séjourné.

Selon des informations recueillies sur place, l’entretien du bâtiment était régulièrement assuré sous la première république par une compagnie qui venait l’inspecter, évaluait les besoins d’entretiens et ces entretiens étaient suivis.

Sous la deuxième république, le président Conté, apparemment, avait mis des fonds en 1999 à la disposition de la mission permanente pour le rénover.

Une chambre de la résidence
Une chambre de la résidence

“Il est difficile d’évaluer la qualité de la rénovation qui avait été faite, mais à voir le bâtiment dans son état actuel – eh beh-, c’est comme s’il n’a pas connu de retouche depuis au moins 40 ans”, a déclaré l’ambassadeur Mamadi Touré, dans une interview exclusive à AlloConakry.

Selon des informations recueillies auprès d’anciens et actuels diplomates, cette résidence n’est pas la seule bâtisse de l’Etat guinéen en souffrance à l’étranger.

Les chancelleries et résidences à Washington, à Addis-Abeba, à Dakar, à Rabat et dans plusieurs autres capitales étrangères seraient également dans une situation “pitoyable.”

En été dernier, l’ambassadeur de Guinée à Addis-Abeba aurait été sommé de vider sa résidence pour manque d’entretien, après avoir reçu un avertissement officiel. Même situation à Moscou où les autorités russes ont récemment menacé de prendre possession de la chancellerie guinéenne pour faute d’entretien depuis belle lurette.

Face à cette situation, c’est le mutisme total à Conakry où le ministère des Affaires étrangères a été dûment informé de tous ces de désolation mais en vain.

Et pourtant, dans l’euphorie qui a suivi son élection à la présidence en 2010, le chef de l’Etat guinéen – le professeur Alpha Condé -avait affirmé que la Guinée, sous son régime, n’allait jamais permettre ses diplomates de devenir  “des clochards” à l’étranger.

Cuisine
Cuisine

Eh bien, trois ans après, force est de se demander si les conditions actuelles des diplomates guinéens ne ressemblaient pas déjà à celles des clochards laissés-pour-compte.

En plus de maigre salaire qu’ils reçoivent dans des cadres de travail qui laissent à désirer, les membres du personnel diplomatique guinéen à l’étranger ne bénéficient pas de couverture médicale et les frais d’éducation de leurs enfants ne sont pas pris en charge.

“Aux Etat-Unis, il ya certainement des pays où les diplomates sont moins payés par rapport aux autres…mais dire qu’il ya des pays qui n’offrent pas de couverture médicale à leurs employés…je crois que la Guinée est le seul pays dans cette catégorie”, martèle un ancien fonctionnaire du département d’Etat et spécialiste de l’Afrique basé à Washington.

Une réalité triste que seul le gouvernement guinéen peut expliquer.  Alsény Ben Bangoura

 

AlloConakry